Le Bulldozer de Cristal

 De la difficulté à vivre quand on a appris à survivre

Pourquoi j’ai besoin d’écrire ?

« Quand il faut apprendre à vivre…

«J’ai trente ans, je n’ai rien fait de ma vie, aucun avenir dessiné sur les pages raturées. Je veux écrire avec ma propre plume sur les pages blanches du livre que j’imagine, je ne veux plus feuilleter de manière superficielle cette vie qui n’est pas la mienne.  »  Thalia Remmil – Le Bulldozer de Cristal

L’écriture a guidé mes pas depuis ma tendre enfance

Parce qu’être un enfant peut s’avérer compliqué, et que pour se faire entendre, les mots parlés ne sortent pas forcément facilement, j’ai trouvé à travers les mots écrits, des stratagèmes pour espérer que les maux se calment.  A ma grand-mère, à mes amis, à ma mère, à mes premiers amours, j’ai composé des poèmes parce que j’ai toujours adoré la poésie.  A mon journal intime, j’ai confié les moindres recoins de mon cœur. J’ai toujours aimé les poètes et cette façon qu’ils ont de faire danser les mots. J’aimais aussi les livres…les contes de fées comme toutes les petites filles qui croient au Prince charmant, aux bonnes fées, aux loups aussi mais qui ne sont pas si méchants…que dans la réalité.

La vie faisant, je n’ai pas continué mes études, je voulais être psy…mais je voulais aussi être danseuse, ou chanteuse, ou pourquoi pas décoratrice. Je ne pensais pas du tout que j’aimerais devenir écrivaine, et puis le devient-on ?

Comme une jeune femme emprisonnée, l’écriture m’a apportée des clés.

J’ai toujours aimé la mythologie, les contes de fées, les films de Noël, les histoires d’amour. J’ai développé une imagination débordante car il me fallait quitter cette réalité. La vérité qui se posait devant mes yeux, je devais la transformer pour qu’elle me soit vivable, acceptable. Ainsi, j’ai déroulé mes mots sur les pages blanches de ma vie, dont beaucoup furent noires. Je les ai grisées pour m’en accommoder, pour survivre, parce que je voulais respirer, je voulais voler, je voulais connaitre la beauté de l’Amour, trop vite…trop ardemment…il s’est envolé souvent loin de moi.

Mais dans mon monde, j’ai visité des contrées magiques et je me suis inventée des histoires. C’est ça être écrivain, écrire des histoires.

Puis la maternité a illuminé ma vie

Je suis devenue mère. J’ai rencontré mes héros, mes piliers, mes enfants. J’ai commencé à vivre la plus fantastique des aventures. Aucun mot ne peut décrire cette magie de l’existence que de donner la vie, donner son âme entière à ses enfants, et pourtant dans tous mes romans, j’essaie de retranscrire ce sentiment. Tous les thèmes de mes romans tournent autour de la mère, du lien à la mère, de la responsabilité de la mère, du manque terrible de la mère, de la résilience par la maternité. Grâce à mes enfants, je me suis sentie vivante et j’ai trouvé la force de vivre. Dans ma vie, ma mère a joué un rôle central, ambigu, pervers et diabolique. La mère est le personnage central de tout individu. Le père aussi. Mais je l’ai compris tardivement.

Alors pourquoi j’écris ?

Longtemps, j’ai cherché…quoi ? un sens à ma vie ? une mission sur cette terre ? Les raisons pour ne pas détester l’humain, sa cruauté, sa propension à faire le mal. Je crois que nous ne sommes pas ici par hasard. Je crois que notre temps imparti a une raison d’être. Et que s’il faut une goutte d’eau supplémentaire pour faire avancer les choses, éveiller les consciences, et bien, je veux être cette goutte d’eau.

Je n’ai pas eu une vie plus ou moins dur qu’une autre, j’ai eu ma vie et si elle ne ressemble à aucune autre, je sais que de nombreux êtres humains se reconnaitront dans mon parcours. J’écris parce j’aime ça. Parce que lorsque j’écris, je suis moi. A ma place, heureuse pleinement de vivre. Je ne sais pas ce que demain sera, je ne sais pas si mes romans seront un jour reconnus, ce que je sais, ce qui m’importe, c’est d’être là et d’écrire. Pendant ce temps infiniment beau, bon, savoureux, explosif, je ne ressens que l’amour. Il m’imprègne, me submerge, me libère. Mes personnages me font rêver, m’entrainant dans leurs univers, et je les laisse faire en toute liberté.

Pourquoi j’écris ? Parce que pendant que j’écris, je ne meurs à rien d’autre. Mes empreintes de pas se profilent, se dessinent, se dévoilent et me mènent là où je m’ose, je m’ouvre, je me découvre.

Mais si j’écris, c’est pour « dire ». C’est pour donner ma voix. Pour mettre des mots sur des silences, des tabous, des sujets de société qui doivent être révéler au grand jour, qui doivent faire écho. Si on me demande si je suis féministe, oui je le suis si être féministe, c’est se battre pour que cessent toutes formes d’oppression de la femme. Beaucoup de choses bougent aujourd’hui, les femmes osent enfin parler et dire ce qu’elles gardent en elles depuis des années parce que la peur les bâillonne. Le poids de l’homme est encore trop présent. J’aime les hommes même s’ils m’ont brisée. Je veux continuer à pouvoir offrir ma confiance. Mais je ne peux pas ne parler que des hommes car une personne aurait pu tout changer et qu’elle n’a fait que renforcer le mal. Cette personne c’est ma mère.

Oui, une mère détient un pouvoir déterminant sur son enfant. Une mère peut protéger. Une mère peut détruire. Une mère peut faire basculer son enfant dans les eaux du Styx par ce poison qu’elle va distiller lentement, de manière subtile et corrosive, car après tout, elle est la mère, et cette place lui confère le rôle déterminant dans la vie de son enfant.

Ce cas de conscience, je me le pose encore aujourd’hui. Quel regard vais-je porter sur cette vérité ? Mais surtout, quelle vérité ai-je envie d’entrevoir ?

Mon histoire de vie est un témoignage comme bien d’autres histoires. Il faut des témoignages. Pas pour parler de soi et se mettre sur le devant de la scène. Non, il faut des témoignages pour parler au nom de tous ceux qui n’osent pas le faire. C’est une épreuve que de briser le silence des omerta, et c’est la peur au ventre que bien souvent cela se déroule.

Je me souviens en 2016, j’ai publié une autobiographie dont le titre était « Adieu voleurs de vie ». J’avais ouvert en parallèle un blog du même nom et une page Facebook qui existe toujours et que je gère encore, en plus de ma page Thalia Remmil Auteure. Je suis allée au bout de mon projet, le publiant sur Amazon. Puis les doutes m’ont assaillie, et la peur d’un retournement de situation en ma défaveur aussi. C’est là que l’on voit le poids énorme qui pèse sur les victimes lorsqu’elles osent enfin espérer avoir justice…une justice encore bien mal équilibrée. Alors j’ai retiré mon livre. Je l’ai retiré car j’ai eu peur. Je me suis bâillonnée toute seule.

Puis j’ai recommencé à écrire. Des romans psychologiques. Des arcs de transformation de personnages au passé traumatiques, aux enfances troublées, avec toujours un fond de secret de famille bien gardé, des difficultés de vie d’adultes et de couples, une quête de soi et de sens, une quête de vérité pour enfin trouver la voie de la résilience. Avec toujours, le lien maternel omniprésent. Je n’ai fait que détourner le moyen d’arriver à mes fins. De manière implicite.

Comme quoi, quand on est persuadé d’avoir une mission en ce monde, on y arrive, peu importe la route empruntée.

J’irai au bout de ce qui, je pense, fera de moi, si ce n’est une écrivaine accomplie, au moins une femme accomplie qui se sera donné sa « Permission de naître », titre de mon deuxième roman : Poser ma pierre à l’édifice de l’enfance en danger, la femme en danger.

Thalia Remmil