Au Pays d'Elles

du trauma de l’enfance à la conquête de soi :De la difficulté de la vie maternelle lorsqu’on a été victime d’inceste.

Inceste et maternité

« Les plus grands traumatismes, pour n’importe qui au monde, ce sont les traumatismes familiaux. »

 

Dans cet article, j’aimerais aborder le thème de la maternité lorsque l’on a été victime d’inceste durant l’enfance, ce mal aux multiples conséquences et dommages collatéraux.

Comment entrevoir la relation maternelle avec ses enfants lorsque l’image de sa propre mère est entachée d’une complicité malsaine avec l’homme qui nous abusée ?

Comment savoir ce qu’est véritablement une relation maternelle saine, équilibrante et équilibrée lorsque l’on a vécu avec sa propre mère une relation perverse, toxique et dysfonctionnelle ?

Comment une victime d’inceste peut-elle construire une vie affective en lien avec la maternité lorsque les bases ont été inculquées dans un contexte intrafamilial en inadéquation avec l’idée même de l’amour maternel ?

 

Dans mon autobiographie, j’aborde de façon personnelle toutes les conséquences de l’inceste dans ma vie de femme, et dans ma vie de mère. La mère est le premier objet de désir de l’enfant qui se trouve lui-même en dépendance vitale par rapport à cet objet. La relation mère-enfant constitue le premier lien d’attachement de l’enfant, d’où son importance capitale dans sa construction identitaire.

Pour en revenir au sujet qui m’intéresse ici, les survivants de l’inceste ont de grandes difficultés à construire des relations satisfaisantes, et ce dans tous les domaines de la vie qu’il s’agisse de la vie intime, conjugale, familiale, sociale et professionnelle. La maternité constitue une étape de vie essentielle dans l’existence d’une femme ; elle a été pour moi une étape capitale pour ma survie.

 

La maternité, une période unique dans la vie d’une femme

« Etre une maman est un don du ciel, une magie de la vie qui sublime chaque acte porté à ses enfants. Voilà se que devrait être le sentiment maternel. »  Thalia Remmil

 

Si la maternité est synonyme d’un futur bonheur représenté par l’approche de la naissance d’un enfant, elle est aussi une période de fragilité psychologique qui peut commencer dès la grossesse. C’est alors que l’inconscient peut tenter de faire remonter au cconscient des réminiscences pouvant réactiver des émotions en rapport avec les traumatismes de l’enfance. La maternité est, pour chaque femme, une nouvelle approche dans ce grand projet que représente le futur, mais elle est aussi une source d’angoisses, de doutes, et de peurs.

Si l’on peut sauter dans la maternité, comme je l’ai fait moi-même, sans se soucier le moins du monde, poussée par ce désir impulsif de fonder une famille et d’avoir des enfants, on ne peut pas empêcher l’angoisse inconsciente face à ces questions : qu’est-ce qu’être une mère ? Qu’est-ce qui fait que l’on est une bonne mère ? Comment réussir à être mère tout en continuant à rester femme ?

Toutes ces questions, la femme devenue mère ne se les pose pas d’emblée.

Je ne me suis posée aucune questions. Fidèle à mon tempérament de fonceuse, j’ai suivi mon désir d’enfant. Plus qu’un désir, un besoin. Un vide affectif qu’il me fallait combler. La maternité est un thème prédominant dans mes romans. Que se soit dans mon premier roman « Tendresse aveugle » dans lequel j’aborde les difficultés de la construction identitaire lorsque l’on grandit avec le manque de la mère, ou dans mon deuxième roman « Permission de naître » où j’aborde le thème de la difficulté à vivre les neuf mois de grossesse pour certaines femmes, ainsi que la difficulté à passer du statut de femme à celui de mère. Ce thème est abordé dans mon 3ème roman – en cours d’écriture -, sous l’angle de la loyauté intergénérationnelle. Mon 4ème roman est un hymne à l’Amour maternel et à la souffrance du manque du regard maternel.

Bien entendu, le thème est présent dans mon autobiographie. Il ne saurait en être autrement, de mes manques affectifs à l’absence totale de protection de ma mère, complice des actes incestueux perpétrés par mon beau-père.

 

Cette place fixée par le désir maternel

« Cette femme qui est aussi ma mère est capable du pire. J’ai mal à l’âme. »

Thalia Remmil

 

Le maternel de la mère est ce puit sans fond sur lequel l’enfant devrait réussir à poser son sentiment d’existence. Cette place si fragile à trouver en ce moment est intimement relié à ce désir maternel, à ce regard que notre mère va poser sur nous dès notre apparition dans son monde à elle, qui commence bien avant la conception. Le maternel est la relation première indispensable à la construction de l’enfant ; sans ce lien qui remplit les fonctions essentielles au fonctionnement psychique de l’enfant, les conséquences peuvent être dramatique sur ses capacités futures à devenir adulte.

Je connais bien cette place fixée par le maternel ; je connais bien les difficultés liées aux carences de l’amour maternel. Je sais aussi combien il est complexe de trouver sa juste place lorsque notre propre mère nous a positionnée, sous son regard d’amour mensonger, armée des pires chantages affectifs, dans des rôles que jamais un enfant ne devrait avoir à prendre.

 

Les répercussions de l’inceste sur la construction identitaire en tant que mère

« Et c’est ainsi que l’on grandit de travers lorsque les cris d’amour restent dans le silence du cœur. » Thalia Remmil

 

Chez la femme qui a été sexuellement abusée dans un contexte incestueux, ce vécu s’impose régulièrement dans son parcours de vie, et éprouve sa construction identitaire féminine dont fait partie la maternité.

Il est tout simplement difficile de se construire lorsque l’on a été victime d’abus sexuels, et plus encore lorsqu’il s’agit d’inceste. Il va de soi qu’il est compliqué de s’accomplir en tant que mère lorsque l’on porte des tels traumatismes en soi. Je ne souhaite pas rentrer dans les détails d’une analyse psychologique. Les personnes compétentes le font mieux que moi. Je souhaite juste exprimer mon propre ressenti sur ma construction identitaire en tant que mère.

J’ai désiré mes enfants plus que tout au monde. J’ai adoré être enceinte. J’ai adoré ce sentiment de plein alors que je me sentais si souvent vide. J’ai rempli avec mes grossesses un immense vide affectif, et mes enfants sont des trésors inestimables. Il n’est pas rare que les victimes d’inceste, ressentant une carence affective intense, aient le désir de fonder leur famille, et souvent relativement jeunes. Il n’est pas rare qu’elles trouvent le bonheur ainsi et qu’elles arrivent à s’occuper de leurs enfants et à leur dispenser tout l’amour qu’une mère est capable de donner.

J’ai le sentiment que le fait d’avoir eu une mère complice des actes incestueux et de la folie de mon beau-père, a fait que je sois devenue l’opposée de cette femme. Elle était femme plus que mère ; je suis mère plus que femme. Elle n’avait pas un soupçon d’instinct maternel ; le mien déborde de tous les côtés. En ce qui concerne mon parcours en tant que mère, je ne sais pas trop définir si l’inceste a eu des répercussions. S’il en a eu, c’est plus dans ma difficulté à être présente dans ma vie quotidienne, et donc présente à mes enfants. Je ne me sentais jamais vraiment vivante, jamais vraiment bien dans ma peau, le sentiment dépressif au bord de l’âme en permanence. Il m’a également manqué les repères éducatifs car j’ai grandi entre deux personnes dysfonctionnelles. J’ai donc à mon tour manqué de supports éducatifs envers mes enfants ; j’étais une mère laxiste, ne sachant pas poser les limites, ayant peur de ne plus être aimée si je refusais toutes les demandes de mes enfants. Tout cela je l’ai compris bien plus tard, alors qu’ils avaient grandis eux-mêmes sans réels repères.

 Je porte en moi le regret de ne pas avoir profiter des moments rares de partage avec mes enfants, de ne pas avoir su leur porter une vraie présence. Ils ont toujours eu une nounou car je ne me sentais pas en capacité de m’occuper d’eux, ayant moi-même des difficultés à me gérer. Je porte en moi la culpabilité des dommages collatéraux que je leur ai imposé à cause de mes dysfonctionnements, sentiment de culpabilité que j’ai réussi aujourd’hui à modifier pour m’en libérer.

Ce n’est donc pas ma construction identitaire en tant que mère qui a été compliquée mais bien ma construction identitaire en tant qu’individu.

 

La maternité : processus de survie pour la victime d’inceste

« L’instinct de survie prouve qu’on est en vie. »

 

Globalement, l’enfant est bénéfique dans la vie de la victime d’inceste. La maternité comme un instinct de survie prouve qu’on est en vie.

Même si la maternité fait remonter la surface des problèmes liés au trauma, le fait de devenir mère à son tour peut aider la victime à les résoudre. Sans doute le sentiment d’amour maternel est-il suffisamment fort pour que la victime ait l’envie de s’en sortir, et fasse les démarches nécessaires pour ce faire.

C’est en tout cas ce qu’il m’est arrivé. Cet amour pour mes enfants m’a donné la force la plus incroyable qu’il me soit donné de ressentir. Je soulèverais des montagnes pour eux. J’ai soulevé des montagnes pour être une maman digne, responsable, et pour accompagner au mieux mes enfants vers leur liberté. Je le dis haut et fort : la maternité a été un processus de survie pour moi. J’ai entendu de nombreux témoignages de femmes qui ont, comme moi, trouvé dans leur maternité une puissance physique et psychique qu’elles n’auraient sans doute pas développée par ailleurs. Il n’est pas question d’instinct maternel car il n’existe pas chez la femme comme il existe chez les animaux. Il est question d’une élaboration psychique liée à l’histoire personnelle et la singularité du parcours de chacune.

 

Thalia Remmil

 

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