Au Pays d'Elles

du trauma de l’enfance à la conquête de soi : Un récit de vie tatoué comme une empreinte indélébile.

Sur ma peau tatouée

Une femme tatouée

Définition du point de vue psychologique

Le tatouage comme un certain regard sur le corps.

« L’homme est un livre. En lui toutes choses sont écrites et ses capacités ne lui permettent pas de voir ce qu’il sait. »

Mawlana, xiiie siècle.

Pour chacun des tatoués, il s‘agit d’une histoire très intime et très singulière. Il existe un langage des tatouages et ce langage livre des clés pour comprendre la psyché – l’ensemble des phénomènes psychiques – des tatoués.

 

10 heures ce matin. Nous sommes le 17 février 2022 et j’ai rendez-vous pour mon tatouage. C’est un cadeau de mes enfants, qui date de plus d’un an ; je repoussais sans cesse l’échéance. Du coup, cet acte est bel et bien réfléchi : je pense que c’est important car ce serait immature de se faire tatouer sur un coup de tête pour le regretter ensuite…un tatouage, c’est pour la vie, on va se côtoyer chaque jour qui passe alors autant prendre son temps… il y a un temps pour chaque chose qui ne peut s’acter de manière satisfaisante qu’au bon moment.

Je sais de quoi je parle car je suis une impulsive. Je ne peux pas dire que cette façon de fonctionner a été néfaste ; au contraire, elle m’a permis d’avancer dans la vie sans trop tergiverser. Cependant, j’ai agi quelquefois sous le coup de l’impulsion, du désir irrépressible et je suis tombée dans certains pièges que j’aurais pu éviter en prenant le temps de la réflexion. Ce qui est fait est fait, on ne peut que retenir les leçons.

 

Tatouage : un acte réfléchi

C’est donc d’un pas décidé que j’entre chez le tatoueur. Le mec est super sympa, il dessine à main levée le croquis de mon futur tatoo puis il me demande s’il me plait. Je modifie un peu le dessin et c’est parti !

Une heure plus tard, me voici tatouée avec les initiales de mes deux enfants et de mon petit-fils, et un LoveForever pour inscrire à jamais cet amour inconditionnel que je leur porte.

 

Tatouage : un acte symbolique et artistique

« Je grave ma peau d’un amour immortel. »

Thalia Remmil

Une façon créative d’écrire des bouts de mon histoire. Inscrire de façon visuelle au regard des autres ce que je porte en moi de singulier, et ce qui compte pour moi : ma famille. Une rose pour ma grand-mère, personnage important dans mon histoire de vie. Des initiales, celles de mes enfants, piliers de ma vie, sans qui je n’aurais pas trouvé cette force pour me battre dans un monde où j’ai eu bien du mal à me faire une place. L’initiale L de Liham, mon petit-fils, un soleil qui illumine mon existence. Les évènements que j’ai traversé le plus intensément : mes accouchements et la naissance du fils de ma fille.

Les moments importants de mon histoire, j’en ai écrit un livre, un récit autobiographique dans lequel je me livre puis me délivre. Sur mon corps, c’est une autre forme de délivrance. Une autre manière de confier, avec une expression symbolique, quelques fragments de moi. Pour autant, je ne me fais pas tatouer pour attirer l’attention des autres.

 

Tatouage : blessures secrètes et expression de soi-même

Cette citation me parle, bien que je la trouve pessimiste. Pour autant, il est vrai qu’on ne guérit jamais complétement de certaines blessures.

Lorsque j’ai décidé de me faire tatouer, je me suis demandé ce que cela signifie pour moi d’encrer sur ma peau des symboles et des mots avec lesquels je devrais vivre toute ma vie. J’ai eu durant un court laps de temps, une appréhension : « Et si je suis déçue et que je me rends compte que j’ai fait une erreur ? »

Non, je n’ai commis aucune erreur. J’ai déposé une ancre sur ma peau. Une ancre permet de stabiliser les bateaux dans des fonds rocheux, vaseux ou sableux. J’ai inscrit sur moi ce qui a été ma force durant de nombreuses années, ma famille.

 

Tatouage : Prendre le contrôle sur le corps

  Les abus sexuels subis dans l’enfance marquent à jamais l’avenir de l’adulte. Ce n’est pas une sentence. Loin de moi d’insinuer que la vie est foutue après l’inceste. Bien au contraire, la vie continue et la résilience est possible. Tout dépend alors de notre capacité à modifier notre vision des choses.

Le cheminement personnel consiste à se réconcilier avec son corps, son âme, son cœur.

Prendre le contrôle sur son corps est une façon de se le réapproprier. Parce qu’une victime d’abus sexuels perd souvent contact avec son propre corps qu’elle prend soin d’abîmer encore davantage. Soit par des désordres alimentaires, soit par des dépendances à des substances dangereuses. Pire encore, en offrant son corps au sexe comme s’il n’était qu’un objet sale et répugnant. D’ailleurs, c’est ainsi que j’ai considéré mon corps, comme un objet qui m’a trahi. Comment donner sa confiance à cette enveloppe charnelle, cette embarcation maléfique ?

Il s’agit d’un long travail de reconstruction. Le tatouage peut faire partie de ce cheminement vers soi.

 

Tatouage : Ma résilience inscrite à l’encre indélébile

Symbole d’une étape importante de ma vie, ce tatouage inscrit un point final à la femme que j’étais avant. Je ne renie pas ma vie d’avant. Juste je ne suis plus la même. Je suis une guerrière avertie et assagie, libérée de ses prisons intérieures. Je suis une résiliente qui a compris le sens à donner à cette étape essentielle dans la quête de soi.

La capacité à la résilience, on la porte en soi depuis l’enfance, puis on la renforce de jour en jour, épreuve après épreuve, en même temps que l’on développe sa persévérance et son courage.

 Thalia Remmil

 

 

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