Au Pays d'Elles

du trauma de l’enfance à la conquête de soi : : L’inceste constitue-t-il une infraction spécifique ?

Inceste et circonstances aggravantes

« La vie est faite de détails mais un détail peut changer une vie. » Goyer Rémi

 

 

Dans cet article, j’aimerais aborder la question de l’inceste sous un angle un peu différent. Je me pose cette question qui ouvre débat actuellement de savoir si effectivement l’inceste constitue une infraction spécifique.

 

Dans mon autobiographie, j’aborde le parcours difficile du trauma de l’inceste à la quête de soi qui pourra permettre la résilience de la victime. S’il s’agit de moi et de mon chemin de résilience, j’ai écris ce livre au nom de toutes les victimes, femme ou homme, même si je suis plus à même de me mettre dans la peau d’une femme.

Pour en revenir au sujet qui m’interesse ici, c’est-à-dire de se poser la question à savoir si l’inceste devrait être considérée aux yeux de la loi comme une infraction à part de celle du viol ou de l’abus sexuel, je vais reconsidérer quelques aspects importants à prendre en compte.

 

L’Inceste : conséquences sur la vie de la victime

« Mon chemin de résilience parlera à toutes les victimes d’abus sexuels et de manipulations psychologiques. » Thalia Remmil

 

Je suis une victime d’inceste. J’ai aujourd’hui 56 ans, bientôt 57 ans. Ce qui veut dire que depuis que j’ai onze ans, je porte sur moi les conséquences de mon enfance incestueuse. Parce qu’aujourd’hui encore, je me pose des questions sur mon droit à demander justice, sur mes capacités à trouver la force de demander justice. Non pas des actes de mon beau-père ou de ma mère complice, vus qu’ils sont décédés et qu’il y a prescription – la fameuse prescription qui fait couler de l’encre, mais sur d’autres actes qui m’ont porté préjudice.

Les conséquences nombreuses, addictions, somatisations, dysfonctionnements, dépendance affective, boulimie, impacts sur ma santé physique et mentale, dépressions, se retrouvent dans tous les parcours de vie des victimes de l’abus sexuel. Mais les conséquences sur la vie d’une victime d’inceste sont aggravées par le fait que ces abus sont perpétrés en intrafamilial, dans un huis clos spécifique, avec les personnes ayant figures d’autorité.

 

L’Inceste : une notion qui embarrasse

« Tout ce qui dérange est embarrassant. Tout ce qui se situe dans la fange de l’indicible est embarrassant. L’inceste est un tabou embarrassant. » Thalia Remmil

 

Pour rappel, en France, l’inceste n’est ni un crime, ni un délit s’il se déroule entre majeurs consentants. Le droit français différencie l’inceste et le viol ou l’agression sexuelle. Par ailleurs, les lois régissant l’inceste différent d’un pays à l’autre. Dans certains pays, le rapport sexuel entre membres de la même famille même entre majeurs consentants, peut faire encourir une peine de prison. Ce tabou est considéré de manière différente selon les cultures, les religions, les pays. En France et dans le code civil, le mariage est interdit entre parents et enfants, entre frères et sœurs, entre oncles/tantes et neveux/nièces mais la relation incestueuse n’est pas illégale entre personnes majeures consentantes.

L’inceste tombe donc sous le coup de la loi dès lors qu’il s’agit d’une situation où il y a absence de consentement de mineurs.

L’inceste est alors lié aux crimes et délits du viol ou de l’agression sexuelle. Il faut savoir que la moitié des violences sexuelles (de ce que l’on en sait de par les études faites) sur des enfants sont commises dans la cellule familiale. Il est, à mon avis, d’une grande complexité d’affirmer un pourcentage vu que nombreux sont les enfants qui restent sous la loi du silence.

La loi actuellement différencie le viol de l’agression sexuelle, c’est-à-dire qu’elle différencie l’agression sexuelle constitué par un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, de l’agression sexuelle sans pénétration. L’agression avec pénétration est un viol donc un acte criminel défini la loi dans le code pénal. L’agression sexuelle sans pénétration est un délit jugé en correctionnel.

Sans entrer dans un débat sur la justice, il va sans dire que du côté de la victime, toutes ces différences sont bien éloignées de ce qu’elle vit dans son for intérieur. Les conséquences sont dramatiques qu’il s’agisse d’actes avec ou sans pénétration.

 

L’inceste : un abus sexuel bien spécifique

 

La réalité est que l’inceste représente bien et bel une infraction spécifique, de par le fait qu’il soit perpétré en huis clos familial par les personnes ayant figures d’autorité, et que les conséquences sont donc différentes de celles d’un viol ou d’une agression, perpétrés par des inconnus, ou même des personnes connues mais qui ne font pas partie de la famille. Je dirais qu’il faut même considérer que l’inceste commis par le père, la mère, le beau-père ou la belle-mère est sans doute le plus complexe.

Avec l’affaire de l’inceste commis par Olivier Duhamel sur son beau-fils qui n’était qu’un adolescent, la question des abus sexuels sur mineurs déclenche une campagne de grande ampleur. Pour autant, cela existe depuis toujours. L’inceste existe depuis toujours.

Mais aujourd’hui, la question se pose de manière différente. On entrevoit alors l’abus sexuel sur mineurs dans le cercle familial, dans un angle distinct car l’inceste met en place chez la victime des mécanismes particuliers et singuliers. L’inceste pose le problème de la loi du silence qui empêche la parole de la victime. L’inceste pose le mécanisme de l’emprise psychologique propre à celle exercée en intrafamilial.

L’inceste pose donc vraiment la question légitime : faut-il en faire une infraction spécifique ?  Et qu’est-ce que cela pourrait apporter de mieux au regard des victimes d’inceste ?

Les questions restent ouvertes et font débat aujourd’hui. L’Association Face à l’inceste réclame que tout acte incestueux commis sur mineurs soit qualifié de crime incestueux et puni par la loi sans qu’un hypothétique « consentement » de la victime ne soit examiné.

La question de la prescriptibilité se pose également.

Il se greffe autour de l’inceste de nombreux débats très médiatisés en ce moment. Espérons qu’ils aillent dans le sens d’une meilleure protection de l’enfance en danger autant que d’une meilleure prise en charge de la victime devenue adulte.

 

Thalia Remmil

 

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