Commençons par nous débarrasser de la question « Mais c’est quoi un roman psychologique ? » Babélio, -chez qui mon livre Tendresse Aveugle est référencé- en donne une excellente définition en quelques lignes »
« Le roman psychologique s’attache à l’analyse psychologique de ses personnages, relayant au second plan la description des lieux et du cadre de narration. Cette volonté de porter l’attention sur la personnalité des protagonistes s’est largement répandue à la fin du XIXème siècle bien que l’on considère que le Dit du Genji, datant du XIe siècle, soit le premier roman psychologique…/…. »
Babélio
Voici comment j’ai écrit mon premier Roman psychologique
Hiver 2018, mon roman Tendresse aveugle est terminé. Alors je commence à me donner la permission lorsque l’on me demande ce que je fais dans la vie à répondre : je suis écrivaine. « Ah…et vous écrivez quoi ? » J’écris des romans psychologiques. « Oh… » avec un je ne sais quoi dans le visage entre le « ce n’est pas pour moi » et le « Dites-moi en un peu plus ».
J’avoue que même pour moi, il n’est pas aisé de me définir dans un genre littéraire. D’abord, cela m’ennuie de devoir me classer, de poser en quelque sorte des limites à mon écriture. Tout simplement, la petite folie qui vogue en moi, dans mon paysage intérieur, n’a pas d’horizon bien défini, elle vole, et tente d’approcher les étoiles. Toucher Dieu du bout des doigts ? Ce serait prétentieux, et pour trop ambitieux. Mais dans ma tête, j’y suis. Qui va me l’interdire ? Personne. Plus personne. Et c’est peut-être pour cette raison que j’écris des romans psychologiques. Car dans ma tête, je vis une quantité incroyable d’états d’âmes que j’ai besoin de retranscrire sur le papier. Alors j’invente des personnages à qui je donne ces états d’âmes afin de m’en apaiser. Parce qu’ils font mal souvent, à vouloir s’incruster en moi sans véritablement me laisser le choix.
« Mon corps est un réservoir à multiples démons, ou fées selon l’humeur ».
Thalia Remmil
Imaginez-moi assise devant mon ordinateur, transpercée d’une multitude d’émotions humaines. Ecoutez cette symphonie. Dramatique. Je ne suis pas douée pour l’humour. Les eaux calmes et dormantes sont certes reposantes, mais les esprits qui se meuvent, se tordent, s’éprouvent, se déchirent me tiennent en haleine. J’aime les catastrophes intérieures, les cris silencieux qui s’écrivent, et que le lecteur entendra comme si j’étais là, tout près de lui, à murmurer dans son oreille. Un peu comme s’il m’entendait lui murmurer ces phrases écrites dans mon roman Tendresse aveugle :
Tendresse aveugle explore la dimension psychologique de la relation fusionnelle père-fille
L’humain détient en lui cette force de vivre incroyable devant l’adversité, celle de combattre sous la mitraille en apnée de survie, pour l’amour d’un enfant, d’un parent, ou d’un autre. (…) Depuis ça, Greg faisait au mieux pour tolérer les cris de son cœur… Depuis ça, il s’épuisait dans cette fuite éperdue… Contre ça, il faisait le tour du monde avec sa fille. Il lui disait souvent : « tu sais chérie, il y a un univers en chacun de nous. »
Tendresse Aveugle
Ainsi, c’est la prédominance des caractères des personnages que j’aime à décrire dans mes romans, leurs failles, leurs défaillances, leurs relèvements. J’aime à décrire leurs contradictions, ambivalences, tout ce qui se ressent des profondeurs de l’enfance, des cicatrices et des blessures ; des fractures du cœur ; des déchirements de l’âme humaine. Il y a très peu de personnages dans mes romans mais beaucoup de pensées torturées, de pensées exaltées, des espoirs et des désespoirs, des larmes intérieures et des choses endormies qui se réveillent, des quêtes improbables qui se révèlent. Dans mon premier roman Tendresse aveugle, mes deux personnages principaux,
Tendresse aveugle c’est aussi le roman psychologique du manque de la mère
Nahéma et son père, s’imbriquent en permanence dans leur manque ressenti de celle qui était la femme de leur vie, disparue. C’est une quête incessante pour recouvrir ce manque d’une présence, ce vide d’un plein, ce déchirement d’une tendresse infinie. Lorsque les deux sont dans le mensonge, Greg car il sait mais ment, Nahéma parce qu’elle sait mais se ment, il y a une quête absolue de vérité qui n’est dans le fond qu’une quête de soi, celle de l’auteur en filigrane.
Je me retrouverais bien pour quelques moments partagés auprès de Virginia Woolf, chef de file du roman psychologique. Cette écrivaine et son rapport à l’écriture me ressemble dans ce qu’elle représente comme un rempart contre le mal de vivre. Comme elle, mes mots transforment mes souffrances, comme elle en implicite sous les inventions narratives, c’est moi que je veux être en toute urgence.
Le roman psychologique comme outil de résilience
Virginia Woolf fut hantée par des souvenirs traumatiques de son enfance difficile, et des agressions sexuelles dont elle fut la victime. Elle fit plusieurs dépressions, et ses états d’âmes étaient souvent mélancoliques. Elle a, comme j’ai pu moi-même le ressentir, approché de près la folie, cette folie qui a nourrit sa créativité et son désir de devenir écrivaine. Aussi bien, je me retrouverais pour quelques moments partagés auprès de Mme Lafayette, auteure du roman La princesse de Clèves, remarqué comme étant un des premiers romans psychologiques bien que très proche du roman historique.
Le roman psychologique serait-il le genre par excellence des femmes ?
Ce genre où les femmes abordent certains sujets sous un angle particulier, avec cette sensibilité qui est la leur. Cet autre regard, plus intérieur, plus apte à formuler, à nommer autrement. Ce regard qui en fait une spécificité féminine, leur associant des thèmes de prédilection, ainsi que certaines valeurs.
« Les femmes éprouvent un grand besoin de voir formuler ce qu’elles vivent bien souvent dans leur quotidien, et les écrivaines explorent les thèmes sentimentaux, familiaux et maternels dans leurs romans, en s’inspirant beaucoup de la psychologie. »
La tendance est même de leur mettre assez facilement une étiquette d’écriture féminine, associée au sentimentalisme dans le mauvais sens du terme. J’ai moi-même eu quelques critiques me qualifiant de trop écrire sur l’amour. Ce côté trop sentimental limite hors-jeu. Car la réalité n’est pas ainsi et que le monde ne tourne pas qu’avec l’amour. J’en conviens. Mes romans, d’ailleurs relatent le caractère intemporel des relations humaines à savoir les vicissitudes, l’intensité des douleurs morales, les difficultés à vivre une relation de couple saine, les combats intérieurs pour devenir soi-même et se libérer des entraves de l’enfance.
Ce que je ne veux pas, c’est laisser au lecteur une note pessimiste car ma vision de la vie est qu’elle mérite le détour, celui qu’il convient de faire par la connaissance même de nos ténèbres car ainsi la lumière n’en sera que plus étincelante. C’est ce que j’aime inspirer : la poésie des sentiments, la résonance des émotions dans l’âme humaine. J’aime écrire des choses pensées qu’on ne saurait dire. Je dis que j’écris des romans psychologiques car je n’écris pas des romans historiques, ni des romans d’aventures, je n’écris pas des polars ni des feel good.
Alors quel est le livre que je poursuis ? Quels sont mes messages ?
Quand j’ai publié Tendresse aveugle, je me suis dit que mon public serait un public féminin. Je me suis trompée. Beaucoup d’hommes m’ont lue, et ont été sensibles à mon style, et aux thèmes abordés. Je ne pense donc pas écrire comme une femme et pour des femmes. D’ailleurs dans mon deuxième roman, Permission de naître, le narrateur est un homme. Un bébé dans le ventre de sa mère. Une âme. Dans ce roman, je fais donc vivre à la fois un héros, Timothée et une héroïne, Pauline, sa mère. Les deux cohabitent ensemble dans ce corps douloureux, où le jeu des émotions tourbillonne dans un étrange ballet de contradictions incessantes, que ce soit pour Pauline en proie à ses angoisses de mère en devenir, ou pour Timothée en proie à ses angoisses d’homme en devenir. Ce corps où ne cesse les introspections et les questionnements. Ce corps habité de plusieurs âmes. Ce corps habité d’une intensité dramatique autour d’une grossesse dont on perçoit l’ampleur émotionnelle sous le regard d’une âme mutilée, brisée, abimée.
« Si, durant ces neuf mois d’ébauche dans le ventre de ma mère, cet antre douloureux d’ambivalences, j’avais enfin touché à l’essentiel de cette longue venue au monde ? »
Permission de Naitre
Dans le fond, n’est-il pas là le message ? Qui sommes-nous ? Que sommes-nous prêts à faire pour toucher l’essentiel de notre si court passage sur terre ? Est-on toujours en capacité de faire le choix de l’amour contre la tentation du mal ? Comment tuer en nous tout ce qui nous entraîne vers une mort psychique ? Comment se donner la permission de naître et d’être ?
Quelle utilité peut-on trouver à travers la lecture d’un roman psychologique ?
Si on en croit Bruno Bettelheim, les enfants ont besoin des contes de fées pour s’évader de la réalité mais aussi pour mieux appréhender cette réalité. Qu’en est-il des adultes ? Eux aussi, ont besoin de la lecture pour avancer dans leurs parcours personnels, pour mieux comprendre leurs cheminements intellectuels, et psychiques. Alors je crois que le roman psychologique qui aborde les cheminements émotionnels et complexes de l’esprit humains, bien souvent totalement inconscients, peut permettre au lecteur une ouverture vers sa propre complexité et lui ouvrir les portes de la compréhension des ses schémas internes de manière concrète et symbolique. A l’écrivain d’aborder cette entrée dans le monde psychique de façon implicite, métaphorique, poétique, peu importe la voie qu’il emprunte, afin que le lecteur en fasse une synthèse explicite et consciente de son propre monde interne.